La journée tirait déjà à sa fin lorsque je suis arrivée à la ferme de la Colline du Chêne à Bromont, une initiative qui vise à produire des légumes biologiques à juste prix. Ève, la gestionnaire du projet, était affairée à retirer les mauvaises herbes de son champ de laitues lorsque j’ai foulé la pelouse verdoyante jusqu’à elle. Salopette en denim et brin d’herbe aux lèvres, son grand sourire ajoutait au paysage déjà majestueux avec ses vallons couverts d’herbes qui valsent au vent. C’est le désir d’un retour au naturel et aux anciennes méthodes qui a poussé Ève à entamer, cette année, sa première saison en n’utilisant pratiquement aucune machinerie; presque tous les travaux liés aux champs sont exécutés manuellement. Et cette nouvelle vision, qui est de plus en plus en vogue et explorée par les maraîchers de la relève, donne tout un autre sens au métier et à la mission des gens qui y travaillent. Ève me pointe alors une dame qui arrosait méticuleusement des petits plants en rangées bien droites : « C’est comme Sophie ici, elle est venue aujourd’hui parce qu’elle avait besoin de reconnecter avec la terre. Elle a pris congé de son travail et elle est venue juste pour être avec nous! On est vraiment ouverts à ça », me raconte Ève en prenant une joyeuse croquée du radis qui se cachait dans sa poche. Ici, tous semblent être au même diapason; on prend le temps d’être dans le moment présent et on s’adapte au rythme de la nature. Une philosophie, qui, je l’avoue, m’a tout de suite charmée et qui transparaît dans la beauté des légumes bio qu’Ève cultive. Et cette dame, dont Ève me parle, n’est pas seule! Ève m’a plus tard présenté d’autres collègues, amants de la terre, qui ont définitivement quitté leur emploi en ville pour devenir maraîchers ici à Bromont!
À ce moment, Isaël Gadoua, chef exécutif au LUMAMI cuisine nature, le restaurant du BALNEA, descendait la côte pour venir me rejoindre. Avec la bénédiction d’Ève, nous avons cueilli ensemble de belles grosses laitues rouges, du kale et des radis pour sa commande du jour. Il s’est alors ouvert sur l’essence de son art et de sa vision en cuisine. D’emblée, il m’a clairement illustré sa position : « Je n’aime pas trop qu’on parle de moi, je préfère qu’on parle de ma cuisine! » me dit-il en souriant. Avec sa grande authenticité, il m’a donc fait entrer dans son univers, là où l’humain est mis de l’avant et où les récoltes sont le parfait canevas pour ses créations.
Les aliments frais, c’est ce qui stimule le plus Isaël. Pour lui, travailler de pair avec les producteurs du coin est un véritable moteur créatif : « Il y a vraiment une différence au goût lorsqu’on travaille avec des légumes cueillis le jour même. Souvent je viens moi-même les chercher ici! » Isaël a donc tout un réseau de producteurs locaux, dont la ferme Les Carottés d’où il s’approvisionne également d’un grand nombre de produits frais. « Je reçois la liste et des photos de ce qu’ils ont chaque semaine et je prends ce qu’ils ont. Si c’est des tomates, je les prends et je travaille davantage la tomate dans mon menu. » C’est tout un travail d’adaptation qu’Isaël met en œuvre pour la création de ses plats. Chose certaine, avec une aussi grande sensibilité et une passion irréprochable pour le terroir, Isaël forme, avec ses collègues maraîchers, tout un système qui met en valeur les gens et les produits d’ici. Il ne me reste plus qu’à me diriger au LUMAMI qui n’est qu’à quelques coups de pédales plus loin – la ferme de la Colline du Chêne se trouve sur le même chemin de terre que le BALNEA. Quelle belle façon de savourer l’été au Québec : directement dans notre assiette!
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